Auteur: ndar.tout
Date: 21-01-16 21:11 >>> RĂ©pondre Ă ce message
in lemonde.fr :
"""Pourquoi deux interprétations de la laïcité coexistent-elles en France ?
Le Monde.fr | 19.01.2016 Ă 20h54 âą Mis Ă jour le 20.01.2016 Ă 12h46
Par Samuel Laurent et Elvire Camus
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Place de la République à Paris, le 9 décembre 2015. | ALAIN JOCARD / AFP
Que renferme le concept de laĂŻcitĂ© ? Le premier ministre, Manuel Valls, a sĂ©vĂšrement critiquĂ©, lundi 18 janvier, lors dâune confĂ©rence des Amis du Conseil reprĂ©sentatif des institutions juives de
France, les responsables de lâObservatoire de la laĂŻcitĂ© â organisme rattachĂ© Ă Matignon â, estimant que cette instance « ne peut dĂ©naturer » les principes quâelle doit dĂ©fendre. Le rapporteur gĂ©nĂ©ral de cet observatoire, Nicolas CadĂšne, sâen Ă©tait pris Ă la philosophe Elisabeth Badinter, qui avait affirmĂ© sur France Inter dĂ©but janvier quâil ne fallait pas avoir peur de se faire taxer dâislamophobe pour dĂ©fendre la laĂŻcitĂ©
:
« Il ne faut pas avoir peur de se faire
traiter dâislamophobe. A partir du moment oĂč les gens auront compris que câest une arme contre la laĂŻcitĂ©, peut-ĂȘtre [quâ] ils pourront laisser leur peur de cĂŽtĂ© pour dire les choses. »
A cette intervention, Nicolas CadĂšne avait rĂ©pondu par un tweet : « Quand un travail de pĂ©dagogie de trois ans sur la laĂŻcitĂ© est dĂ©truit par une interview Ă France Inter dâune personne. A quand un vrai dĂ©bat clair ? »
Quand 1 travail de pédagogie de 3 ans sur la #laïcité est détruit par 1 interview à @franceinter d'1 personne. à quand 1 vrai débat clair ?
â ncadene (@Nicolas CadĂšne)
Son message lui avait valu une vive riposte des opposants Ă la ligne quâil dĂ©fend avec le prĂ©sident de lâObservatoire, lâancien ministre socialiste Jean-Louis Bianco, tous deux accusĂ©s par leurs dĂ©tracteurs de « repli communautariste au dĂ©triment de lâesprit dâune vĂ©ritable RĂ©publique laĂŻque » . Mais comment
expliquer quâil existe une rivalitĂ© entre deux parties qui se rĂ©clament pourtant dâun mĂȘme concept ? Quelle est cette « ligne » dĂ©fendue par lâObservatoire de la laĂŻcitĂ© et celle dĂ©fendue, Ă lâinverse, par le gouvernement ? Enfin, existe-t-il une dĂ©finition de la laĂŻcitĂ© ?
QUE DIT LA LOI ?
Souvent associĂ©e Ă la seule loi de 1905 concernant la sĂ©paration des Eglises et de lâEtat, la laĂŻcitĂ© sâest progressivement Ă©tablie en France. Ainsi, le site vie-publique crĂ©Ă© par
La Documentation française
rappelle que câest la RĂ©volution française qui a « posĂ© les bases de la libertĂ© religieuse et de la sĂ©paration entre lâEtat et lâEglise ».
1789. Selon lâarticle 10 de la DĂ©claration des droits de lâhomme et du citoyen
: « Nul ne doit ĂȘtre inquiĂ©tĂ© pour ses opinions, mĂȘme religieuses, pourvu que leur manifestation ne trouble pas lâordre public Ă©tabli par la loi. »
1791. La Constitution confĂšre « la libertĂ© Ă tout homme [âŠ] dâexercer le culte religieux auquel il est attachĂ© ».
1881-1882. LâĂ©cole « publique, gratuite, laĂŻque et obligatoire » est crĂ©Ă©e par les lois Jules Ferry.
1905. La loi de sĂ©paration des Eglises et de lâEtat Ă©tablit dans son article 1 que « la RĂ©publique assure la libertĂ© de conscience. Elle garantit le libre exercice des cultes [âŠ] dans lâintĂ©rĂȘt de lâordre public. » Lâarticle 2 prĂ©voit que « la RĂ©publique ne reconnaĂźt, ne salarie ni ne subventionne aucun culte ».
UN CONCEPT AUX RĂGLES VARIABLES
Depuis, dâautres textes sont venus prĂ©ciser le terme, notamment son application Ă lâĂ©cole et dans lâespace public. Ces lois Ă©manent du dĂ©bat public autour de la question des signes religieux dits « ostentatoires » que lâon est autorisĂ© ou non Ă porter en fonction des lieux ou des cas.
LâĂ©cole. Depuis la loi de 2004, le port de signes religieux « ostentatoires » est interdit Ă lâĂ©cole publique (maternelle, primaire, collĂšge, lycĂ©e). Plus prĂ©cisĂ©ment, « dans les Ă©coles, les collĂšges et les lycĂ©es publics, le port de signes ou tenues par lesquels les Ă©lĂšves manifestent ostensiblement une appartenance religieuse est interdit ». La jurisprudence de cette loi, conçue avant tout pour rĂ©pondre au problĂšme du port du voile islamique par des Ă©lĂšves, a quelque peu prĂ©cisĂ© la notion dâ« ostensible » : un mĂ©daillon arborant une croix chrĂ©tienne, un croissant musulman ou une Ă©toile juive est tolĂ©rĂ©, mais pas un voile, ni une kippa, ni une grande croix portĂ©e sur les vĂȘtements. On parle Ă©videmment ici de lâĂ©cole publique, non des Ă©tablissements privĂ©s, oĂč ces rĂšgles peuvent varier.
Lire aussi : De lâĂ©cole Ă lâuniversitĂ©, les rĂšgles variables de la laĂŻcitĂ©
La fonction publique. Autre cas distinct, celui des agents et des bĂątiments publics. Concernant les fonctionnaires, une charte de la laĂŻcitĂ© mise en place en 2006 requiert de tout agent public un « devoir strict de neutralitĂ© religieuse ». Il leur est donc interdit non seulement toute forme de prosĂ©lytisme, mais aussi de manifester de façon ostensible une appartenance religieuse par le port dâun signe distinctif (lĂ encore, crucifix, kippa ou voile, par exemple).
Lâespace public (la rue, un musĂ©e, le mĂ©tro, un supermarchĂ©âŠ). Ici, câest encore un autre texte qui sâapplique : la loi de 2010 qui proscrit la dissimilation du visage
. PrĂ©vu avant tout pour rĂ©pondre au port du niqab (voile islamique recouvrant le visage Ă lâexception des yeux), ce texte interdit donc dâarborer tout vĂȘtement dissimulant le visage, quâil sâagisse dâun voile ou dâune cagoule de ski. Elle prĂ©voit des exceptions pour certains cas (carnaval et autres manifestations culturelles, pratiques sportives impliquant un masque comme le skiâŠ).
Le travail. La lĂ©gislation est plus complexe. Lâaffaire « Baby Loup », du nom dâune crĂšche, dont une employĂ©e avait Ă©tĂ© licenciĂ©e pour avoir portĂ© le voile malgrĂ© un rĂšglement intĂ©rieur le prohibant, a montrĂ© les fluctuations de la justice sur ces questions â il a fallu quatre annĂ©es et de nombreux revirements avant que ce licenciement soit jugĂ© lĂ©gal â, et posĂ© quelques principes. Plusieurs notions sâopposent : dâune part le principe de libertĂ© de religion et de libertĂ© vestimentaire ; ensuite le principe gĂ©nĂ©ral de laĂŻcitĂ© ; enfin le droit pour lâemployeur dâimposer un rĂšglement intĂ©rieur, et les limites de celui-ci.
Tout dĂ©pend donc de ce rĂšglement et de ce quâil autorise ou non ; mais aussi dâautres facteurs : lâentreprise est-elle gestionnaire dâun service public, et donc tenue au principe de neutralitĂ© ? Le salariĂ© est-il en contact avec la clientĂšle ? Dans le privĂ©, en effet, la nature de la tĂąche Ă accomplir par un salariĂ© peut justifier une restriction de ses droits individuels (par exemple celui de porter un voile). Mais cette restriction peut ĂȘtre contestĂ©e. Et le droit nâa pas encore Ă©tabli de principe gĂ©nĂ©ral trĂšs clair Ă ce sujet.
DEUX VISIONS DE LA LAĂCITĂ SâOPPOSENT
Et le dĂ©bat sur les contours de la laĂŻcitĂ© nâest pas clos. Aujourdâhui encore, une vision dite « fermĂ©e » du concept, câest-Ă -dire attachĂ©e Ă la stricte neutralitĂ© religieuse dans lâespace public, sâoppose Ă une vision qualifiĂ©e dâ« ouverte », au contraire opposĂ©e Ă gommer tout signe dâappartenance religieuse.
Manuel Valls a affirmĂ© lundi soir quelle Ă©tait la ligne du gouvernement. Le premier ministre juge quâen sâopposant Ă lâinterprĂ©tation combative, voire « islamophobe », dâElisabeth Badinter, lâObservatoire de la laĂŻcitĂ© « dĂ©nature » le concept :
« [Nicolas CadĂšne], un collaborateur dâune organisation de la RĂ©publique, ne peut pas sâen prendre Ă une philosophe comme Elisabeth Badinter ; pas parce quâelle est philosophe ni parce quâelle sâappelle Elisabeth Badinter, mais Ă partir de ses propos : câest une dĂ©fense intransigeante â que je partage dâailleurs â de la laĂŻcitĂ© dans bien des domaines. Et ça, ça doit ĂȘtre rappelĂ© Ă chacun. »
Manuel Valls sâapprĂȘte dâailleurs Ă rappeler les deux responsables de lâObservatoire Ă lâordre sur ce point : « Je verrai bientĂŽt Jean-Louis Bianco. LâObservatoire de la laĂŻcitĂ©, placĂ© dâailleurs sous ma responsabilitĂ© â je lui rappellerai â, ça ne peut pas ĂȘtre quelque chose qui dĂ©nature la rĂ©alitĂ© de cette laĂŻcitĂ© » , a-t-il dit lundi soir. Le premier ministre reproche notamment Ă lâinstance dâavoir signĂ© une tribune intitulĂ©e « Nous sommes unis » dans
Libération, alors que celle-ci avait également reçu le soutien de plusieurs personnalités, dont des militants réputés proches des FrÚres musulmans. Mardi, les signataires du collectif ont demandé à rencontrer Manuel Valls pour une « explication ».
Les 90 signataires et les 30 organisations du collectif #NousSommesUnis demandent Ă rencontrer @manuelvalls pour une explication #Laicite
â NousSommesUnis_ (@NousSommesUnis)
Le prĂ©sident de lâObservatoire de la laĂŻcitĂ©, Jean-Louis Bianco, a lui aussi rĂ©agi aux propos du premier ministre mardi, affirmant que le rapporteur gĂ©nĂ©ral de lâinstance, auteur du tweet au sujet dâElisabeth Badinter, se « born[ait] Ă rappeler le droit existant ».
Mon communiqué suite aux propos tenus au #CRIF par le Premier ministre >> https://t.co/CeaFQyFLFd
â jeanlouisbianco (@Jean-Louis Bianco)
Dans un entretien accordé au Monde mardi, Jean-Louis Bianco précise sa vision de la laïcité, dictée, insiste-t-il, par la réalité du terrain :
« Nous dĂ©fendons la laĂŻcitĂ© en en faisant la promotion sur le terrain oĂč nous sommes deux Ă trois fois par semaine. Nous sommes sollicitĂ©s partout pour dire ce quâest la laĂŻcitĂ©, son histoire, son droit, son application concrĂšte. Ce nâest pas un choix intuitif ou idĂ©ologique. Ceux qui dĂ©naturent la laĂŻcitĂ©, ce sont prĂ©cisĂ©ment ceux qui en font un outil antireligieux, antimusulman, qui prĂ©tendent, ce qui est une monumentale erreur sur le principe mĂȘme de laĂŻcitĂ©, que lâespace public est totalement neutre, comme si nous nâavions plus le droit dâavoir des opinions. » """
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Tout ce qui est excessif est insignifiant.
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